Cour de Cassation, droits des passagers de l’aérien ?

Deux arrêts communs, aux résultats diamétralement opposés : inversion de la charge de la preuve.

Arrêt 15-12-730 de la Cour de Cassation favorable aux passagers suite à un retard de 6 heures.

Arrêt 16-23.205 de la Cour de Cassation défavorable aux passagers suite à un retard de 5 heures.

1er arrêt

  1. le pourvoi 15-12.730 : l’arrêt de la Cour de Cassation date du jeudi 14 janvier 2016, fait suite à l’annulation du vol n° 8057 Barcelone-Paris du 4 août 2012 (tribunal d’Instance) contre Vueling Airlines.

Le tribunal d’Instance soutenant dans son jugement que les passagers du Barcelone-Paris doivent apporter la preuve de l’annulation du vol ! Le tribunal d’Instance mentionne au deuxième paragraphe de ce pourvoi « qu’il appartient à M. X qui évoque cette annulation ou retard, d’apporter la preuve de leurs présences à bord de l’avion » !

Cette dite preuve, outre les achats de billets électroniques, les tickets des bagages obtenus à l’aéroport, le passage sous portique, la présentation des pièces d’identité, etc, cette preuve impose en plus de présenter le listing complet des passagers et des bagages ! Chose impossible à apporter, car la compagnie s’est bien gardée de leur remettre l’attestation de l’annulation du vol et la liste complète des passagers et des bagages.

Or, lors du jugement, le tribunal d’Instance a inversé la charge de la preuve de la compagnie aérienne, en la portant sur les épaules des deux passagers, alors que cette preuve incombe toujours aux compagnies. Dans sa logique, le tribunal a donc condamné les passagers aux dépens.

Mécontents, ils ont saisi la Cour de Cassation qui a logiquement cassé ce raisonnement, en condamnant Vueling Airlines aux dépens, et à payer 2600 euros aux époux X.

2ième arrêt

  1. le pourvoi n° 16-23.205, l’arrêt de la Cour de Cassation date du 14 février 2018, fait suite à un retard de 5 heures pour un vol Paris-Miami pour trois personnes, sur vol XL Airways France. Précédemment jugé par le tribunal de Proximité pour ce retard de 5 heures, vol XLF59 prévu le 25 juillet 2014 à 22h35.

Bien qu’identique, cet arrêt de la Cour est a l’opposé du 1er arrêt cité. La Cour de Cassation a en effet cassé le jugement du tribunal de Proximité favorable aux passagers au motif qu’ils n’apportaient pas la preuve de leurs présences à bord de l’avion.

Extrait du 2ième arrêt, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention, cette preuve doit être apportée par la loi, c’est-à-dire en suivant les règles de preuve de l’article 1315 du code civil. (voir l’article 2°/). En fin de paragraphe, la Cour prétend (chose erronée) que le tribunal de Proximité a inversé à tort la charge de la preuve !

Au point 2°/, la Cour use de l’article 3 du règlement 261/2004, en indiquant que celui-ci ne contient aucune indication sur le mode de preuve de la présence d’un passager à l’enregistrement !

Sauf erreur d’analyse de l’ADV/CLCV, c’est après avoir retenu cette dite absence de preuve, que la Cour de Cassation en a créée une défavorable aux passagers, en inversant la charge de la preuve. Un arrêt totalement impensable.

Pourtant, et bien qu’il soit fait référence à l’article 3 du règlement 261/2004, au 2, a) du  paragraphe 1, que le régime énoncé par ce règlement est applicable à condition que les passagers disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné, et se présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’embarquement ;

 La Cour a ajouté dans cet arrêt, « qu’aux termes de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement ». Ainsi, la charge de la preuve de l’embarquement et de la présence à bord du passager doit être justifiée par les par intéressés.

Hors, malgré leurs réservations électroniques, l’achat de billets d’avions (3 billets), ainsi qu’une attestation retard nominative signée par XL Airways France, suivie d’une demande d’indemnisation datée du 19 juin 2015, adressée à XL Airways France, ces pièces ne sauraient justifier la présence effective des trois passagers sur ce vol !

 En suivant le cheminement de cet arrêt, il est demandé aux passagers porteurs de litiges, de fournir en plus des pièces précédemment citées, « le listing informatique des passagers, ainsi que l’ensemble des bagages ! Des éléments impossibles à obtenir, car le transporteur détient seul ce document en deux volets, mais il n’en remet jamais la copie aux passagers plaignants. Or, sans ces pièces, les passagers voient leurs droits rejetés !..

De fait, la Cour de Cassation a donc condamné les trois passagers au dépens, et a absout XL Airways ! Ce que conteste l’association.

Curieusement, l’ADV/CLCV a un dossier identique avec XL Airways France, qui tient très exactement le même langage, bien que nos deux passagères issues de Guadeloupe, aient droit à l’indemnisation demandée, accompagnée des préjudices inclus dans le dossier de l’association.

Au cas où l’arrêt 16-23.205 défavorable aux passagers ne serait pas aboli, celui-ci induit implicitement la suppression des droits à indemnisation des passagers contenus dans le règlement 261/2004.

L’ADV/CLCV demande néanmoins que la Cour de Cassation lui explique comment deux vols quasi identiques, avec retards de 6 heures et 5 heures, voient un arrêt rendu favorable aux passagers et le second défavorable, avec les incidences que ce dernier arrêt a déclenché !

L’association doit-elle aller en justice ! La question est très clairement posée, car elle a saisi la confédération CLCV sur le sujet. Si elle ajoute un autre arrêt de 2018, qui impose que pour tout litige de passager, le recours au tribunal d’Instance proche du domicile est devenu impossible, avec obligation de lé déposer dépôt sur le lieu de départ du vol prévu, (qui peut-être Roissy CDG, Francfort, Londres, etc),  et paru sur le site de l’ADV/CLCV.

A défaut de dépôt au départ du vol initial, celui-ci devra être effectué au lieu d’atterrissage, pouvant la Chine, l’Inde, les Etats-Unis ! Quid du traitement des langues de chaque Etat.

L’ADV/CLCV démontre si besoin est par ce dossier, que le droit des passagers ne cesse d’être remis en cause par les compagnies, et dans les cas présents, part la plus haute Cour de juridiction, qui devrait, selon elle, se porter garante du droit des passagers et non l’inverse.

Un constat, comment juger de l’absence des passagers à bord d’un vol, dès lors que les intéressés ont acheté des billets d’avions aller et retour, disposent de billets électroniques payés, des tickets de bagages, sont passés sous portique, ont présentés les pièces d’identité, ont essuyé des retards, ont fournis les dépenses supplémentaires nées de ces retards ou annulation… et oser prétendre que ces passagers n’étaient dans l’avion, parce qu’ils n’apportent pas la preuve du listing complet des passagers et leurs bagages ! Et pour cause.

Voila de quoi disserter, d’autant que ce dernier arrêt met à mal le règlement 261/2004 (le droit des passagers aériens), avec l’inversion de la charge de la preuve, qui impose à tort, aux passagers, d’apporter la preuve de leurs présences à bord, en justifiant des éléments essentiels cités qu’ils n’obtiendront jamais des compagnies..sauf revirement de la Cour de Cassation.

Dans un premier temps, face à cet arrêt ubuesque, et afin que les passagers puissent se défendre, et intentent des recours avec les associations ayant compétences sur ces sujets. C’est pourquoi elle propose une action en 6 points, en cas de retard, annulation, surbooking, refus d’embarquement :

1 que les passagers réclament à la compagnie une attestation nominative datée, portant sur le retard ou l’annulation, voire le surbooking ou le refus d’embarquement.

2 que les passagers se préparent deux fiches à émargement, aller et retour, à entête de chaque vol, à faire remplir par chaque passager (nom, prénom, adresse, signature, et adresse e-mail), afin que chacun puisse faire valoir ses droits suite aux éventuelles réclamations, si incidents.

3 si impossibilité du point 2, que chaque passager dispose au moins de toutes les adresses e-mail des passagers. Ces e-mail permettront de reprendre contact pour les vols considérés. Cette démarche vise à confirmer la présence effective des passagers à bord de l’avion défaillant.

4 que les passagers se prennent en photos, à l’aide d’un appareil datant les photos, à l’aéroport, devant et dans l’avion, dont au moins une photo mentionnant le n° de l’avion.

5 que chacun garde précieusement toutes les pièces se rapportant au (x) vol (s) considéré (s), en vue d’un recours à mener avec une association.

6 ces fiches groupées pourront servir de justificatifs non contestables, à défaut de disposer du « listing des passagers et des bagages », chasse gardée des compagnies.